Nathalie Henriot présente les oeuvres de Hassan Majim:
Du 1er au 31 octobre 2006 dans le magnifique Atrium de l'ESSEC MANAGEMENT EDUCATION au CNIT de la défense.
Vernissage 18 octobre de 18h30 à 20h30
Hassan Najim, pourquoi peignez-vous?
Je suis né peintre, je ne le suis pas devenu. Dès lors que j’ai tenu un crayon dans les mains, bien avant l’écriture, je communiquais par le dessin et la couleur. Je dessinais mes rêves : je dessinais un homme, un car, un arbre… Je peignais pour respirer, pour m’exprimer. Je ne suis pas un homme de paroles mais un homme de toucher : la peinture me permet de toucher l’autre sans l’atteindre.
J’ai eu d’abord un parcours d’autodidacte, mais le fait d’acquérir de la technique à l’école d’Art de Tetouan, m’a permis d’élargir ma vision ; j’avais envie de casser les murs, de retrouver les pas de Leonard de Vinci . J’ai commencé à chercher, et depuis je n’ai jamais cessé, tant pendant mes études d’arts plastiques à Tetouan, que depuis que j’ai fait de l’art mon métier.
Ma vie est simple : transmettre aux jeunes l’amour de l’art et explorer le monde de la couleur et de la forme.
J’ai été bouleversé par les lignes de Delacroix et de Vinci, et j’ai beaucoup travaillé le dessin ; ensuite c’est la lumière que j’ai essayé de capter, à la fois rayonnement extérieur et magie de l’éclat intérieur, donnant aux scènes de la vie quotidienne, une densité particulière : j’essaie de trouver et de montrer ce qu’il y a dans la vie de plus éclatant, je laisse à d’autres le soin d’exprimer le pathos.
Monet, Pissaro, Toulouse Lautrec, Cézanne et Van Gogh ont été mes premiers maîtres dans la peinture française, mais également des orientalistes contemporains :
Bertucci est celui qui a su le mieux su peindre la lumière du Maroc. Fortuny a dépeint de manière admirable la « dramaturgie » orientale.
Après mon travail sur la lumière, j’ai travaillé sur les perspectives, pour dépasser le monde visuel, et traiter la couleur en soi, sa distribution dans la surface du tableau, et les effets de la matière. J’ai tout exploré, à l’école de Cézanne et de Matisse.
De tout cela a très vite émergé la nécessité de rechercher la simplicité, tout en préservant l’esthétique et en recherchant constamment l’harmonie.
J’ai donc cherché des sujets adaptés : la Medina, des compositions semi abstraites, cubiques, la figuration dans l’abstraction.
De plus en plus, j’essaie d’inscrire mon travail dans une démarche personnelle: j’ai traversé des étapes largement inspirées par mes prédécesseurs, notamment dans le traitement de la lumière, mais aujourd’hui, j’ai le sentiment d’être en mesure d’inventer mon propre langage, de devenir créateur, d’offrir au regard du public une expression éminemment personnelle : dans mes tableaux je souhaite mettre en avant mon identité de peintre marocain. Je suis fier de promouvoir et de présenter notre patrimoine naturel et culturel, dont je me sens à la fois l’héritier et le témoin ; l’expression de la richesse culturelle de mon pays est au cœur de mon travail :
On sent chez vous un très fort enracinement dans la culture marocaine...
« Il a trois choses essentielles dans la société marocaine : la sexualité, la spiritualité et l’espace. Ces trois choses déterminent la personnalité de l’être, sa vision du monde ». Pour moi les difficultés de la société d’aujourd’hui sont d’avoir remisé les gens dans des boîtes, où, dans un environnement devenu anonyme et sans âme, les enfants perdent cette capacité à penser dans un espace avec de hauts plafonds, des portes imposantes, avec des fenêtres et les pièces communiquant autour de la cour : absence d’intimité peut-être, mais surtout vie communautaire typique de nos traditions cultures et modes de vie
Au Maroc, l’espace de vie comme la Medina joue beaucoup sur la personnalité, le mode de vie : aujourd’hui j’ai le sentiment de rendre hommage à la façon de vivre de nos aînés. Moi, l’homme de Fez, je regarde sans amertume mais avec beaucoup de nostalgie, l’identité marocaine s’éloigner de l’espace architectural d’autrefois pour épouser la modernité et la cité : dans ces ruelles, ces arcades, bât encore le cœur de l’autre Maroc, celui de la tradition ; notre société était alors conditionnée par cette architecture particulière, par la vie des femmes sur les terrasses, les voisinages. Je ne peux m’empêcher de penser que le Maroc moderne a perdu quelque chose de son âme en perdant la Medina.
L’histoire de mon pays est écrite sur ses murs, l’effet du temps n’apparaît pas seulement sur les visages burinés, mais aussi sur les enceintes de la ville, sur les plafonds, sur les cours, dans lesquels les arbres, oliviers, orangers eux aussi marquaient le passage du temps. Les nouveaux bâtisseurs n’ont pas adapté le mode de l’habitat à la famille marocaine ; on a plagié les modèles de la société occidentale, et a donc aliéné la capacité à créer du fait de cet enfermement, de cette mise en boîte.
Je suis le gardien et le dernier témoin de la Medina. Je ne suis pas contre la modernité, mais contre la standardisation de la culture, au mépris des traditions et modes de vie locaux ; L’Orient n’a rien à gagner à singer l’Occident, mais le métissage des cultures est d’une richesse infinie. L’extraordinaire richesse et diversité marocaine a beaucoup inspiré Delacroix, mais il est resté Delacroix. De même, nous, les artistes Marocains devons inscrire nos travaux à la fois dans l’universalité de l’Art mais dans la couleur et l’âme d’une civilisation et de traditions qui nous sont propres.
Comment concilier alors l’amour de la tradition et une religion qui interdit à l’artiste de rivaliser avec la création divine, à savoir représenter un être vivant (nature, animaux, personnages humains?)
Je n’invente pas la nature, je l’interprète. Je la traduis avec mon regard que j’offre en partage à mes contemporains. Francis Bacon définit l’art comme la nature plus l’artiste : ce que nous faisons ne vient pas du néant, l’artiste est là pour donner une nouvelle image. Je ne crée pas, j’ouvre une autre fenêtre sur le regard du monde.
Le corps, le paysage me livrent des visions, des sensations que j’essaie de transcender : je peux vouloir faire passer la même impression dans deux sujets différents : un paysage, un portrait peuvent signifier la fraîcheur, l’énergie, ou à l’inverse la sérénité, la douceur ; l’objet n’est que prétexte à un mouvement que je veux lent ou rapide, énergique ou plein de retenue. Pour cela je ne mets pas vraiment de frontière entre l’abstraction et la figuration ; chacun des styles est l’expression du moment ; lorsque je mets beaucoup de blanc dans un paysage, et que, dans cet instant, le vide me gêne, je rajoute alors une couleur, une texture, qui n’existe pas dans la nature, mais qui s’impose à mon regard intérieur.
Je compare la musique à la peinture : s’il n’y a pas à la fois de la variété et de l’harmonie dans les éléments plastiques, cela ne peut pas tenir, ni répétition ni dissonance trop grande, tout est affaire de composition et d’équilibre. Peut-on parler d’une création méditerranéenne ?
L’homme de la Méditerranée vit entre deux mondes, la culture occidentale qui a fondé la peinture moderne et un enracinement dans des cultures berbères et africaines ouvrent des perspectives considérables : l’artiste marocain converge vers l’art universel, mais nous avons sans doute, plus fortement que l’occident, le besoin d’exprimer notre sensualité. L’histoire a fait de la Méditerranée une région très riche au point de vue des expériences humaines : peintres, bâtisseurs, influence espagnole, arabe, européenne, tous sont venus et ont apporté leur pierre dans le jardin de l’inspiration la lumière donne la couleur, la sensation, la variété ethnique donnent la possibilité d’exprimer mille visages, la diversité des paysages et des régions, mer, montagne, désert nous permet de peindre et d’exprimer l’infinie beauté de la nature.
Picasso disait « Je ne cherche pas mais je trouve ». Mon plaisir à moi est dans la quête. Je ne recherche rien de précis, mais quand je rencontre l’essentiel, je m’arrête et je travaille là-dessus. En multipliant les expériences, j’approfondis ma capacité à intérioriser la couleur et la beauté, de manière à permettre une infinie réinterprétation de mon regard. Je souhaite me montrer à la hauteur de mes maîtres et aussi trouver et exprimer ma propre originalité. Chaque aboutissement est le début d’une nouvelle étape, et d’un nouveau questionnement ; je sens que mon chemin ne peut s’arrêter, et contrairement à ce qu’affirment trop d’artistes aujourd’hui, je continue de penser qu’il y a encore une nouvelle peinture à inventer. Un concerto de Bach, une chanson de Brel, un film, tous les arts contribuent à éveiller chez moi une émotion qui a son tour trouvera son expression dans une de mes toiles ou sculptures.
Une chose que je ne peux pas accepter dans les arts plastiques : c’est lorsque le peintre perd cette notion d’esthétique : pour moi l’artiste est au service de l’esthétique, même l’extrême douleur peut, à l’instar de la « Pieta de Michel Ange » de « l’implorante » de Camille Claudel, ou « la Vie est belle » de Roberto Benigni, de transcender la souffrance en une œuvre de beauté. L’artiste est au service de la beauté et des sens. Il peut et doit utiliser ses émotions dans son œuvre mais toujours en respectant le spectateur. Comme en toute chose, l’exhibitionnisme en art est racoleur et vulgaire.
La peinture est mondiale; la plupart des grands peintres pensent de manière universelle et non pas régionale.
Ils parlent du climat, de la planète, de l’amour, de la femme, de l’enfant, de la société… Qu’on soit du Nord ou du Sud, les thèmes sont communs. Peut-être, dans ce métissage sans fin, sommes-nous les artistes les derniers messagers à rappeler aux hommes que de la diversité est source de beauté et d’inspiration, et que loin de rechercher l’uniformité, il nous appartient de saluer nos différences, et de les respecter.
Je suis universel dans mes sources d’inspiration, dans l’art je m’inspire des modernes, matisse, Bertucci, Cézanne… tous ensemble ce sont des peintres qui ont fait des expériences propres à chacun d’eux, je m’inscris dans leur courant, mais dans le dépassement de moi-même pour trouver une voie qui m’est propre et utile aux artistes qui me succèderont.
Je souhaite transmettre, en le réinventant, ce qui m’a été enseigné. C’est probablement, plus que la célébrité, ma plus grande ambition.
Je souhaite savoir où je peux voir les oeuvres du peintre Najim dont j'ai acheté une oeuvre il y a 2 ans à Essarouira. J'habite au Maroc et j'aime beaucoup les oeuvres de ce peintre.
Rédigé par : joelle morvan | 25 novembre 2007 à 15:42
J'ai acheté à essaouira une oeuvre du peintre Najim que j'aime beaucoup.Ou puis -je voir d'autres oeuvres de ce peintre au Maroc?( Je vis au Maroc)
Rédigé par : joelle morvan | 25 novembre 2007 à 15:37
Je dispose d'une toile de Najim Hassan, j'aimerai avoir son adresse mail pour le contacter. Pouver vous me communiquer la sienne ou lui communiquer la mienne. Merci
Rédigé par : lorente fernand | 23 novembre 2007 à 13:45
Nous rentrons ce jour du Maroc avec dans nos bagages une oeuvre de M. Hassan NAJIM, découvert à Essaouira.
C'est un bonheur assez rare que de goûter aussi justement les jeux d'ombre et de lumière qui affectent certes la scène dans son ensemble, mais aussi la lumière et l'ombre dans les états, les "âmes" même des figures qui s'y déploient. Un merci de tout coeur pour votre art à nous faire partager ces dimensions.
Jean Frédéric
Rédigé par : BAETA Jean-Frédéric | 29 avril 2007 à 19:52