Par Jean-Marie Peretti, Professeur à l'ESSEC, Directeur académique du Mastère Spécialisé en Management des Ressources humaines, pour Focus RH
Comment conserver un haut niveau d’engagement des
salariés dans un contexte de crise qui réduit les marges de manœuvre
des entreprises, entraîne un quasi gel des salaires et favorise un
climat d’inquiétude sur les réductions d’effectif et les perspectives
de carrière ? Pour les DRH et les C&B (Comp & Ben,
c’est-à-dire responsable des rémunérations et des avantages sociaux),
la crise modifie profondément, en 2009, plusieurs composantes de la
rémunération et peut remettre en cause l’implication des salariés dans
l’organisation. Les éléments fixes de rémunération connaissent un gel
ou une augmentation ralentie. Les entreprises annoncent des taux
d’augmentation générale faibles ou nuls. Ce gel est justifié par la
diminution de l’inflation début 2009 d’une part et la mauvaise
conjoncture d’autre part. Notons que les salariés des entreprises où un
accord sur les salaires a été signé fin 2008 dans le cadre de la NAO
(Négociation Annuelle Obligatoire) bénéficient d’augmentations plus
consistantes du fait de taux d’inflation plus élevés pris en compte.
Notons également que la diminution du salaire fixe au profit d’une part
variable a été mise en œuvre récemment par IBM et est également évoquée
dans certaines entreprises. Les enveloppes pour les augmentations
individuelles ont fréquemment été revues à la baisse. Elles ne
permettent souvent pas de faire échapper au gel les meilleurs éléments
et de reconnaître leur contribution. L’utilisation des « jours
supplémentaires », dans le cadre des dispositions nouvelles, pour faire
bénéficier certains cadres « au forfait jour » des majorations et des
exonérations des heures supplémentaires, paraît délicate dans un
contexte de chômage partiel et leur usage est réservé à quelques
situations particulières. Un sentiment d’iniquité Les perspectives pour les éléments variables sont
également sombres pour les éléments collectifs comme pour les éléments
individualisés. Pour le variable collectif, participation et
intéressement, les sommes versées en 2009 au titre de 2008 seront en
baisse dans une majorité d’entreprises du fait de bénéfices moindres.
De plus, le mode de calcul de la participation prenant en compte un
taux fixe de rémunération des capitaux propres (5 %) la baisse des
montants distribués sera plus forte que celle des bénéfices (et souvent
des dividendes distribués) pouvant entraîner un sentiment d’iniquité.
De plus les PEE (Plans d’Epargne entreprise) investis en actions
affichent, pour la première fois, des moins values importantes. Les
entreprises qui ont développé l’actionnariat salarié et ont vu leur
cours de bourse chuter voient la confiance de leurs salariés
actionnaires mal récompensée. Adresser des signes forts Dans ce contexte, les entreprises doivent veiller tout
particulièrement à garantir l’équité. En effet, lorsque des sacrifices
sont imposés par la situation économique, la sensibilité de tous
salariés est très forte sur la répartition des efforts. Les remous
provoqués ces dernières semaines par le niveau de rémunération de
certains dirigeants qui annonçaient des plans sociaux, par l’octroi de
stock options à d’autres à prix cassé ou par des primes de bienvenue,
montrent qu’en période de crise, les dirigeants doivent adresser des
signes forts : diminution de leur train de vie, réduction des salaires
fixes (qui ont connu depuis dix ans des hausses que les salariés n’ont
pas comprises et qui, lors de l’apparition de mauvais résultats leur
paraissent d’autant plus injustifiées), abandon des primes, bonus...
Dans un souci d’équité, elles peuvent distribuer à tous les salariés
des actions gratuites lorsque leur cours est au plus bas. Ceci garantit
le partage des profits lors de la prochaine reprise. Améliorer les
accords d’intéressement pour mobiliser les salariés sur les facteurs
clés de relance et d’innovation permet de recréer une dynamique de
reprise. Utiliser le temps de sous activité pour former les salariés,
développer les talents, faire utiliser les heures de DIF accumulées,
plutôt que de réduire le pouvoir d’achat par le recours au chômage
partiel. Enfin les entreprises doivent revoir leur système de
reconnaissance afin de rééquilibrer le couple
« Rémunération/Reconnaissance » qui compose la Rétribution.
Pour le variable individuel, bonus et primes exceptionnelles, la remise
en cause est double. D’une part, dans une conjoncture de crise, les
montants, quels que soient les indicateurs et modalités de calculs,
sont en baisse souvent sensible. D’autre part, la notion même de bonus
est critiquée. La culture du bonus est considérée comme l’une des
causes de la crise actuelle. Les entreprises ressentent la nécessité de
plafonner leur montant, de justifier les modes de calcul, de répartir
leur perception dans le temps avec des clauses suspensives sous la
pression des parties prenantes.
Jean-Marie Peretti intervient dans plusieurs programmes de l'ESSEC Executive Education :
- Cursus 1 an Ressources Humaines
- Mastère Spécialisé Management des Ressources Humaines
- Audit et Performances des Ressources Humaines (module court)
- Contact: Genevieve Burke - Mail - Tel : 33 (0)1 46 92 17 89
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