La Clause de Non – Concurrence
Une Rétractation Périlleuse !
Par Jacques Brouillet, intervenant dans le Mastère Spécialisé Management des Ressources Humaines de l'ESSEC, avocat au Barreau de Paris
Assez souvent les conventions collectives et/ou les contrats de travail prévoient que l'employeur pourra renoncer à l'application de la clause de non concurrence dans un certain délai suivant la rupture.
Pour la plupart des praticiens (DRH – Avocats), il était recommandé de formuler cette rétractation en même temps que la notification de la rupture.
Cet usage paraissait une solution pratique satisfaisante pour les deux parties:
• Pour le salarié qui a intérêt à savoir le plus tôt possible, s'il est totalement libre de rechercher un nouvel emploi.
• Pour l'employeur qui doit bien savoir au moment de la décision de licencier, s'il entend ou non maintenir la clause de non concurrence.
Mais un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 7/1/2010 (N°2008/01697)est venu semer le trouble !
Dans cette décision, la Cour d'appel condamne en effet la Société Boursorama à payer l'indemnité compensatrice de la clause de non concurrence au motif qu'elle l'a irrégulièrement levée dans la lettre de licenciement, alors que le contrat prévoyait que la Société « s'engageait à prévenir le salarié par lettre recommandée avec accusé de réception, dans les 8 jours qui suivent la notification de la rupture de son contrat de travail ».
• La Cour considère que cette disposition « dépourvue de toute ambiguité indique bien que ce n'est qu'une fois la notification du licenciement effectuée, et dans les 8 jours qui la suivent, que l'employeur pouvait libérer le salarié de la clause ».
On
pourrait estimer qu'il s'agit d'un cas d'espèce, fondé en l'occurence sur une
rédaction maladroite de la clause... dont la Cour d'appel fait une
interprétation textuelle difficile à contester !
• On pourrait aussi critiquer cette tendance de nos tribunaux (français) à s'en tenir à une analyse littérale des textes, alors que la CJUE les invite à une interprétation TELEOLOGIQUE, c'est à dire en considération de la finalité de ces clauses !
• On peut enfin s'étonner que le salarié puisse valablement faire valoir un préjudice particulier sous prétexte que son employeur a levé l'interdiction de concurrence dès la notification du licenciement et non pas par lettre distincte dans les 8 jours qui suivent ??
Mais cette décision doit surtout nous inciter à revoir la rédaction des clauses dans les contrats de travail, afin d'éviter une telle déconvenue.
• Il conviendrait à notre sens de souligner que « dans le but de fixer au plus tôt le salarié sur les intentions de son employeur celui – ci pourra faire connaître sa décision de lever ou non la clause dès la lettre de licenciement ou, au plus tard, dans les 8 jours qui suivent ».
• Encore faut – il que cette rédaction ne paraisse pas contourner une disposition de la convention collective nationale considérée comme « plus favorable » au salarié … ? Ce qui ne nous semble pas le cas.
A ce sujet, il nous paraît interessant de relever deux décisions de la Cour de Cassation, dans des situations certes différentes, mais pouvant servir de justification à une prise de décision dès le licenciement:
• Ainsi dans un arrêt du 9/3/2005 la Cour de Cassation indiquait que non seulement la possibilité de lever la clause devait être rapelée explicitement dans le contrat de travail, mais aussi qu'elle devait « être limitée à un délai raisonnable après la rupture ».
• Dans un autre arrêt du 13/7/2010 (N°09.41.626) la Cour a estimé que « en l'absence de disposition conventionnelle ou contractuelle fixant valablement le délai de renonciation (…) l'employeur doit le faire au moment du licenciement ».
Enfin ce débat devrait surtout servir à davantage réfléchir sur le bien fondé même des clauses de non – concurrence, trop souvent utilisées comme une sorte de « clause – type » applicable à pratiquement l'ensemble du personnel … en oubliant qu'elles perdent de ce fait toute efficacité et peuvent être annulées par simple application de l'article L. 1121 – 1 .
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